Flo =D

From WikiEducator
Jump to: navigation, search

Un article de WikiEducator. Aller à : Navigation, Rechercher


le texte qui suit, provient de ce site : http://www.algerie-dz.com/article939.html

"Profession immigré

L’Europe est une aventure qui a démarré en 1951, par le traité de Paris. Elle a donné naissance à la Communauté européenne du charbon. lundi 2 août 2004.

En 1957, la signature par six pays (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) du traité de Rome institue la Communauté économique européenne (CEE). A Dublin, l’Europe des Quinze franchit un nouveau pas, en donnant rendez-vous à dix nouveaux pays, dont huit issus de l’ex-bloc communiste. Une étape importante dans la construction européenne, au service de la citoyenneté, pour une Europe démocratique. Compte tenu des guerres qui ont ravagé le continent, cette Union européenne de 450 millions de citoyens est également perçue comme une opportunité historique sans précédent en termes de stabilité politique et économique. Ces quinze dernières années de l’histoire de l’Union européenne ont été marquées par une série de révisions des traités européens. L’acte unique européen, signé en 1986, a permis à l’union de construire son marché unique et d’établir, au sein de la communauté, la liberté de circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux.

Le traité de Maastricht, signé six ans plus tard, a permis à l’union de progresser dans plusieurs domaines ; l’introduction d’une monnaie unique, une politique étrangère commune et une coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Sous l’impulsion du Conseil européen, toujours dans la volonté politique de consolider l’avenir de cette institution, il a été décidé d’ouvrir la voie vers une Constitution pour les citoyens européens. Le projet de Constitution énonce les valeurs sur lesquelles se fonde l’union : le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’Etat de droit, ainsi que le respect des droits de l’homme. Celles-ci sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité et la non-discrimination.

La libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement sont garanties par l’union à l’intérieur de celle-ci. La Constitution interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Elle réussit ainsi une percée d’importance qui permet à l’union de se doter d’une multitude de droits et des politiques communes, entre autres celle de l’immigration. Le traité de Rome de 1957 consacre la liberté de circulation des travailleurs, le droit à l’égalité de traitement avec les nationaux, le droit de séjour des travailleurs communtaires et de leur famille, de demeurer dans le pays d’accueil et d’y rester après leur période d’activité.

Au cours des années 1980, un débat s’est ouvert sur la signification de la notion de libre circulation des personnes. Pour certains Etats membres, elle ne devait s’appliquer qu’aux seuls citoyens européens, ce qui impliquait de conserver les contrôles aux frontières pour distinguer citoyens européens et ressortissants de pays tiers. D’autres Etats membres, au contraire, souhaitaient établir une circulation pour tous et par conséquent supprimer ces contrôles frontaliers.

Devant l’impossibilité de trouver un accord au sein de la Communauté européenne, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas ont décidé en 1985 de créer entre eux un territoire sans frontière, l’espace Schengen, du nom de la ville luxembourgeoise où furent signés les premiers accords. L’espace Schengen s’est peu à peu étendu, l’Italie a signé les accords le 27 novembre 1990, l’Espagne et le Portugal, le 25 juin 1991, la Grèce, le 6 novembre 1992, l’Auriche, le 28 avril 1995, ainsi que le Danemark, la Finlande et la Suède, le 19 décembre 1996. Au sommet de Tampere de 1999, l’Europe définit une politique commune d’immigration à partir des objectifs économiques et démographiques et renonce à l’objectif de l’immigration zéro.

Romano Prodi, président de la Commission européenne, devant les députés européens, réunis à Strasbourg, le 14 mars 2001, a indiqué que l’une des manières d’accroître la taille de la population active de l’UE serait de faire venir en Europe des jeunes possédant les qualifications « dont nous avons besoin ». Pour Bruxelles, l’Union européenne doit être ferme et déterminée dans la lutte contre les formes de criminalité directement ou indirectement associées aux flux migratoires clandestins, mais elle doit aussi tenir compte des équilibres économiques justifiant l’insertion des immigrés légaux qui, à terme, devaient avoir des droits et obligations comparables à ceux des citoyens européens. Officiellement, la politique de contrôle des flux migratoires se propose de supprimer, ou au moins de freiner, l’immigration clandestine et de faciliter au contraire l’intégration des immigrés légaux. Or, il est désormais clair, qu’en ce qui concerne ses objectifs proclamés, elle est un échec complet. L’immigration légale a été contenue, l’immigration clandestine n’a été ni éliminée ni même réduite, et les politiques d’intégration restent un discours. On a pris brutalement conscience, après la tragédie de Douvres, de l’existence de filières mafieuses, pour le passage des clandestins d’Asie vers l’Europe. Des filières s’organisent un peu partout dans le monde, sans doute pour 20 ou 30 millions d’illégaux. Un trafic humain estimé à quelque 15 milliards de dollars par an, organisé par d’habiles passeurs et de cyniques parrains, également un marché lucratif pour une main-d’œuvre corvéable à merci, parce qu’irrégulière, pour les besoins de quelques secteurs économiques.

Une interview de Jonas Widgren, qui dirige le centre international pour le développement des politiques migratoires, installé à Vienne, chiffre à environ 170 millions de migrants légaux dans le monde (réfugiés, travailleurs), l’Europe en accueille un demi-million par an. Quant aux illégaux établis, il estime qu’ils sont 3 à 4 millions, et 300 000 à 400 000 nouveaux arrivent chaque année. La nécessité d’une politique européenne commune relative à cette immigration a été l’une des préoccupations centrales du Conseil européen de Thessalonique (20 juin 2003). Ce conseil a traité de la protection des frontières extérieures de l’Union européenne. La lutte contre les réseaux de trafic illégal d’immigrants (délit d’association de malfaiteurs en vue de la traite d’êtres humains) devra également être considérablement renforcée. Elle est encore insuffisante et pas assez coordonnée. De nombreux pays européens ont mis en place ces dernières années de nouvelles procédures pénales pour poursuivre en justice les organisations qui se livrent au trafic d’immigrants. L’Europe doit aujourd’hui considérer l’immigration comme un sujet d’intérêt commun. Cette situation est le fruit d’une évolution de près de deux siècles.

En effet, les Etats membres de l’Union européenne sont devenus, les uns après les autres, des pays d’immigration. La France est devenue un pays d’immigration avec un siècle d’avance sur ces voisins. Dès 1851, elle comptait plus de 1% d’étrangers au sein de sa population totale. Or, ce seuil n’a été franchi qu’en 1950 par l’Allemagne et les Pays-Bas, en 1985 par l’Italie, en 1990 par l’Espagne et le Portugal. Qu’en est-il de la politique d’immigration et quel bilan de la politique française d’intégration des immigrés ? Quelle est leur place dans la société, qu’ils soient Français d’origine étrangère ou étrangers et quel statut de citoyenneté pour les étrangers non communautaires ? Aujourd’hui, plus d’un tiers des immigrés (36%) est détenteur de la nationalité française. En mars 1999, 4 310 000 immigrés résidaient en France. L’immigration en France a d’abord été d’origine européenne : italienne, belge et polonaise, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, puis espagnole et surtout portugaise après la guerre. Ensuite maghrébine, puis subsaharienne. Enfin plus récemment, on observe une diversification des pays d’origine, avec la montée de ressortissants d’Asie et les immigrés d’Europe de l’Est. De 1962 à 1975, les Italiens constituaient la première population immigrée, devant les Espagnols, les Polonais et les Algériens. La principale progression appartient à la population venue d’Afrique subsaharienne qui avait triplé entre 1982 et 1990 et a encore presque doublé (+43%) ces dix dernières années. Les ressortissants européens constituaient 45% de la population étrangère en 1999. L’immigration n’est pas seulement un sujet sensible de l’actualité politique, c’est aussi l’occasion d’une interrogation sur le lien social, l’intégration nationale et la citoyenneté, et aujourd’hui, l’immigration ne peut plus s’appréhender en dehors du contexte européen même si les parcours d’intégration des immigrés européens et extra-européens divergent d’un pays à l’autre.

Tous les observateurs s’accordent à dire que l’intégration doit se faire par l’accès à l’emploi, le droit au logement, et à l’équité des droits sociaux et politiques. Selon l’INSEE, en mars 1999, 1 589 000 actifs ont été recensés et presque un quart des étrangers est au chômage. Les jeunes étrangers sont plus touchés par le chômage que leurs aînés et appartiennent plus massivement (que les Français) à l’ensemble des trajectoires défavorables. Les jeunes étrangers de sexe masculin n’appartenant pas à l’Union européenne connaissent un chômage massif, les femmes étrangères actives ont un taux de chômage décroissant avec l’âge, les plus jeunes étant sévèrement touchées que leurs aînées. Globalement, presque la moitié des jeunes femmes algériennes, marocaines, turques et d’Afrique noire anciennement sous administration française est au chômage. Le travail temporaire est le contrat court le plus connu par la main-d’œuvre étrangère (40%). Le travail à temps partiel concerne également plus les salaires étrangers. La discrimination envers les étrangers s’observe principalement lors de l’accès à l’emploi et au logement. Selon les normes de l’INSEE, entre 40 et 50% des ménages en provenance du Maghreb, de Turquie ou d’Afrique subsaharienne sont très mal logés. Les étrangers qui résident dans les quartiers en difficulté sont de 18% et représentent 6% de la population totale. En décidant de traiter « les défis de l’immigration future », le Conseil économique et social, en se plaçant dans les perspectives de l’immigration à l’horizon 2020, engage un débat qui, éclairé par l’ampleur, les réalités, les difficultés et les apports des immigrations que la France a connus et connaît, lui permettra d’exprimer des propositions utiles pour l’avenir.

Il s’est prononcé sur des mesures de grande envergure destinées à favoriser l’intégration sociale des immigrés : régularisation des « illégaux », accueil, mixité sociale, lutte contre les discriminations, habitat, éducation, formation, protection sociale et bien entendu l’emploi. Quatre propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale, entre 1999 et 2000, sur la question du droit de vote des étrangers aux élections locales. Des avancées ont eu lieu dans d’autres pays européens, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas... plus récemment la Belgique, la France doit également réfléchir à l’intégration de ses « étrangers », qui n’envisagent plus de rentrer dans leur pays d’origine mais qui souhaitent conserver sa nationalité, au nom du souvenir de la terre où ils sont nés, de leur attachement à leur culture, leur tradition ou leur religion.

Aux situations antérieures succèdent de nouvelles problématiques qui fondent les transformations sociales, économiques, culturelles, mais le vrai défi, désormais à définir, est de réussir une vraie politique d’immigration et d’intégration, pour les personnes qui y vivent et travaillent, à moins que l’immigration ne reste dans les esprits, juste comme une profession.

Par Boualem Meçabih Président de l’association Confluence démocratique, El Watan

   * Sources et documentations 

- La Constitution européenne. - Le droit de vote des étrangers aux élections politiques (la documentation française). - Les immigrés devant les urnes (Paul Oriol). - Coopération européenne dans le domaine de l’immigration (Paul Masson). - La politique du logement en faveur des immigrés. - Le Conseil économique et social. - L’immigration en France (Emmanuel Peignard). - Les parcours de l’intégration (Haut Conseil de l’intégration). - Rapport sur la proposition de loi (Assemblée nationale) - La France et ses étrangers (Patrick Well)."




le texte qui suit, provient de ce site : http://www.monde-diplomatique.fr/1999/02/GERY/11620


" L’EUROPE FACE À UN NOUVEAU FLÉAU Trafic de femmes en provenance de l’Est

PLUSIEURS milliers de ressortissantes des pays de l’Est et de l’ex-URSS sont victimes de la prostitution forcée en Union européenne. Né après la disparition du rideau de fer, ce phénomène s’est beaucoup développé dernièrement en raison de la paupérisation des populations. Anvers, en Belgique, est la plaque tournante de ce trafic. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ne l’ignore pas et s’en inquiète depuis longtemps. En décembre 1998, la Commission européenne a paru prendre la mesure du problème, tirant à son tour la sonnette d’alarme. Mais les efforts des Quinze pour aider les pays de l’Est à lutter contre ce fléau restent, jusqu’à présent, fort limités. Par Yves Géry

Dans le quartier chaud d’Anvers. D..., albanaise, se prostitue en vitrine. L’apparente jeunesse de cette fille sidère des policiers. Age mentionné sur son faux passeport : dix-neuf ans. Emmenée dans un centre médical, la jeune fille est entièrement radiographiée. Avis du médecin : quinze ans au maximum. D... affirme d’abord aux policiers qu’elle est là de son plein gré. Puis elle craque : sa famille avait un besoin vital d’argent ; le compagnon de sa mère lui a proposé d’aller travailler aux Pays-Bas, où elle pourrait, lui avait-il dit, « gagner beaucoup d’argent ». Vendue à des trafiquants, l’adolescente est à Anvers depuis trois semaines. Avant son premier client, elle n’avait jamais eu de rapport sexuel. Traumatisée, elle avoue vouloir rentrer chez elle. A la demande des policiers, elle accepte de porter plainte. Les autorités belges ont accepté qu’elle retourne chez sa mère, en Albanie, et c’est l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui a pris en charge son rapatriement.

En quinze jours, les policiers ont extrait plusieurs jeunes Albanaises de la nasse de la mafia. « Depuis un an, les trafiquants albanais font venir des contingents entiers d’adolescentes comme D... », témoigne Mme Véronique Grossi, responsable de l’association néerlandaise Payoke. Anvers est devenue l’une des principales destinations de la traite des femmes en provenance de l’Est. Dans les rues ou vitrines de la ville, la majorité des mille cinq cents prostituées viennent d’Afrique ou des pays de l’Est. « La plupart de ces nouvelles venues sont surveillées en permanence par un garde du corps et doivent donner leur recette à leur trafiquant », indique encore Mme Grossi. L’enfer, une fois passé la frontière

LA politique libérale pratiquée par la Belgique en matière de proxénétisme, tout comme celle des Pays-Bas, a été largement exploitée par les trafiquants de l’Est. Alarmée par l’ampleur du trafic, la Belgique a instauré en 1995 une nouvelle loi ouvrant une brèche dans l’impunité des trafiquants. Les Pays-Bas avaient fait de même deux ans plus tôt. Ainsi, les victimes bénéficient désormais d’un permis de séjour et d’une protection si elles portent plainte contre leur trafiquant. Elles peuvent ensuite obtenir un permis de séjour illimité. En application de cette loi, cinquante-sept femmes des pays de l’Est et d’Afrique ont porté plainte à Anvers en 1997. L’association Payoke n’en dénonce pas moins l’immobilisme de la justice belge et la clémence des peines infligées : « La plupart des trafiquants ne passent que deux à trois ans en prison ; et, une fois la peine purgée, ils ne sont même pas expulsés. » Selon Payoke, il aura fallu attendre mai 1998 pour que la justice anversoise condamne, pour la première fois, des trafiquants - huit Albanais - à la peine maximale prévue : cinq ans de prison ferme.

Les trafiquants ne reculent devant rien ; ils menacent régulièrement les travailleurs sociaux afin de les dissuader de venir en aide aux prostituées : en juillet 1995, deux permanents de l’association qui circulaient en camionnette sur une voie rapide d’Anvers ont essuyé des coups de feu. Début 1998, deux membres de Payoke ont été menacés de mort par un trafiquant albanais, sur les marches mêmes du palais de justice.

A Varsovie, Mme Teresa Oleszczuk, responsable du programme contre le trafic des femmes au sein de l’association polonaise La Strada, sort d’un classeur une dizaine de photos de filles, la plupart très jeunes. « Celle-là a disparu depuis quatre ans, les investigations des policiers polonais en coopération avec leurs homologues occidentaux n’ont rien donné », explique-t-elle. La plupart de ces disparues ont sans doute été enlevées, acheminées de force en Allemagne ou ailleurs. Entre avril 1997 et mai 1998, La Strada a été alertée par des familles sur trente-six disparitions. Elles ne représentent qu’une infime minorité des cas de traite des femmes. Le plus souvent, les jeunes Polonaises partent de leur propre gré, appâtées par un proche ou « un ami d’un ami », qui leur propose un travail bien payé à l’Ouest comme serveuse, fille au pair ou domestique. Ou par une petite annonce qui leur promet monts et merveilles.

Ce qu’elles ne soupçonnent pas, c’est l’enfer qui va suivre : passé la frontière, elles sont placées entre les mains d’un autre trafiquant. « Le scénario est immuable : le travail prévu n’est plus possible, l’entreprise a fermé ; victimes de violences, elles se retrouvent dans un eros-center ou sur le pavé d’une rue, forcées de se prostituer pour rembourser au trafiquant la prétendue »dette« dont elles étaient redevables : frais de transport, de passeport, d’hébergement », poursuit Mme Teresa Oleszczuk. Quant aux Polonaises qui partent en sachant qu’elles auront à se prostituer, elles croient pouvoir gagner le maximum d’argent en quelques mois, puis rentrer à la maison. Mais c’est le même scénario d’esclavage qui les attend : « Travail d’abattage douze heures par jour, et 70 % des gains prélevés par le patron du bordel auquel elles ont été vendues entre 1 500 et 5 000 deutschemarks (1) », résume Mme Isabella Styczynska, autre permanente de La Strada.

Terrorisées à l’idée de porter plainte, les jeunes femmes ne doivent souvent leur libération qu’à une descente de police. Parfois, elles ne perçoivent rien de leur recette, leur proxénète leur fournissant juste la nourriture et les produits d’hygiène. C’est le cas de la plupart des mille deux cents prostituées bulgares recensées à Varsovie. Car la Pologne, point de départ de la traite des Blanches, est également un pays d’accueil « où échouent un nombre croissant de femmes venant de pays plus pauvres, Russie, Ukraine et Biélorussie », souligne Mme Stana Buchowska, coordinatrice du programme de prévention à La Strada. Employées dans les agences d’escorte, clubs et autres salons de massage, les jeunes filles sont déplacées d’une ville à une autre, « ce qui permet aux patrons des clubs d’en avoir régulièrement de nouvelles à offrir à leurs clients ».

Il y a trois ans, La Strada a ouvert une ligne téléphonique d’information qui recueille chaque jour une dizaine d’appels de jeunes candidates à l’expatriation, de familles de disparues mais aussi de victimes du trafic. En avril 1998, l’association a lancé une campagne de sensibilisation contre la traite des femmes. Une première dans un pays de l’Est, financée par l’Union européenne (UE). L’opération, qui s’est achevée fin juillet, a eu un impact indéniable.

Une campagne similaire, financée par les Etats-Unis, s’est déroulée simultanément en Ukraine, pays particulièrement touché, où les femmes représentent 72 % des chômeurs. « Nombre d’entre elles sont prêtes à accepter n’importe quel emploi », soulignait Mme Irène Kurolenko, membre de l’ONG ukrainienne 50 + 50, lors du séminaire international sur la lutte contre la traite des êtres humains qui s’est tenu à Strasbourg les 29 et 30 juin 1998. A Kiev, les fausses offres d’emploi de mannequins, danseuses ou serveuses sont gérées par des agences de voyages ayant pignon sur rue.

Pologne, Ukraine, Russie, Biélorussie, Hongrie, République tchèque, Albanie... aucun pays de l’Est n’échappe à la traite des femmes. Tout a commencé en 1989. Après l’effondrement du bloc communiste, les réseaux de criminalité organisée ont recruté à grande échelle. C’est facile (un visa touristique suffit) et pas cher (les frais de transport sont faibles car l’UE est à côté). Neuf ans plus tard, combien sont-elles à être ainsi exploitées contre leur gré, au sein de l’Union européenne ? Selon M. Franck Laczko, expert chargé de la lutte contre la traite des êtres humains au bureau à Vienne de l’OIM, les victimes de ce trafic forment un bataillon non négligeable parmi les quelque 500 000 prostituées originaires des pays de l’Est (ex-URSS inclus).

Quelles sont les principales destinations de ce trafic ? Réponse de l’OIM (2) : l’Allemagne, où 75 % des prostituées sont étrangères, l’Autriche - à Vienne, 80 % des « danseuses- hôtesses » des sex-clubs viennent de l’Est -, les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse, l’Italie, la Grèce... En 1995, un rapport du Parlement européen avait estimé à 10 000 au minimum le nombre de victimes de la prostitution forcée en Allemagne, 1 000 aux Pays-Bas, 500 en Belgique (3). Au cours des dernières années, la traite des femmes de l’Est a, selon l’OIM, connu une « augmentation considérable ». Cela s’explique par l’extraordinaire rentabilité du trafic. Interpol a calculé que les revenus d’un proxénète vivant en Europe de la prostitution d’une personne étaient d’environ 110 000 euros (720 000 F) par an.

Les efforts des quinze pays de l’Union européenne pour aider les pays de l’Est à lutter contre ce trafic sont cependant dérisoires : actuellement, 1,3 million d’euros par an pour le programme STOP (Lutte contre le trafic des êtres humains) qui doit s’étaler de 1996 à l’an 2000. Et quelques millions d’euros via les programmes d’aide aux pays d’Europe centrale et orientale et aux Etats issus de l’ex- URSS. Il aura fallu attendre février 1997 pour que les Quinze adoptent enfin un plan d’action contre la traite des femmes. Priorités énoncées : le renforcement de la coopération policière et judiciaire, l’harmonisation des législations pénales, la signature d’une « convention sur la traite des êtres humains », prévoyant un barème de sanctions communes aux Quinze et correspondant à la gravité des actes. Mais cette action commune n’a aucun caractère contraignant, car elle se limite à fixer des objectifs aux pays de l’Union.

Selon l’eurodéputée belge Anne Van Lancker, les Quinze se sont si peu hâtés depuis l’an dernier que la convention, par exemple, ne sera pas prête avant la fin 1999. Quant à l’application de sanctions pénales plus lourdes, Mme Susan Waddington, eurodéputée, auteur du rapport du Parlement européen cité plus haut, constate que l’on en est encore très loin : « Trop souvent, les coupables sont condamnés au paiement d’amendes dérisoires qui n’ont aucun effet dissuasif. » Même léthargie communautaire pour la coopération policière : alors que la création d’Europol, office européen des polices, a été décidée en 1991 par le traité de Maastricht, il aura fallu attendre 1997 pour que son champ de compétence soit élargi à la traite des êtres humains. Et ce n’est que depuis octobre 1998 que la police criminelle d’Europol dispose de moyens opérationnels, les pays de l’UE ayant mis plusieurs années pour ratifier la convention de cet office des polices.

Alors, l’Union européenne serait-elle coupable d’un manque de motivation ? La sociologue française Marie-Victoire Louis, du Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (Cadis), dénonce pour sa part une Union qui « légitime le proxénétisme, dont la traite des femmes se nourrit », pointant les législations des Pays-Bas et de la Belgique (4). Nombre de pays européens continuent de traiter ces femmes victimes comme de simples immigrées clandestines, en les refoulant de leur territoire et en les classant comme « indésirables » (5).

Exemple édifiant : le 1er juin 1996, Tatiana, Marieka, Joanna et Isabella, âgées alors de dix-sept ans, sont enlevées dans une discothèque polonaise. Droguées, elles se retrouvent le lendemain au Musla Palace, une maison close en Allemagne. Vendues pour 8 000 deutschemarks, séquestrées et forcées de se prostituer, les adolescentes seront libérées trois jours plus tard grâce à l’intervention de la police allemande, puis rapatriées en Pologne. Condamnés à trois ans de prison ferme, les deux trafiquants auteurs de l’enlèvement et de la séquestration ont été libérés par anticipation début 1998. Quant aux quatre victimes - soupçonnées d’être entrées clandestinement et de leur plein gré en Allemagne pour devenir « top models » -, la police allemande les a inscrites sur la « liste noire » des personnes indésirables.

Résultat : en raison des accords de Schengen et de l’échange informatique de données entre les polices européennes, les jeunes filles sont désormais interdites de séjour dans les pays de l’Union qui appliquent ces accords (soit les Quinze, sauf le Royaume-Uni et l’Irlande). Au printemps 1997, Tatiana, qui n’avait pas été avertie de cette mesure, s’est présentée avec un groupe à la frontière allemande dans le cadre d’une tournée théâtrale européenne contre le racisme, financée par le Conseil de l’Europe ; elle a été refoulée. Depuis plusieurs mois, La Strada milite auprès des autorités polonaises, néerlandaises, allemandes et européennes pour que soit levée cette interdiction. Sans succès pour le moment." Yves Géry